La direction financière face aux enjeux de demain
Entretien avec Sébastien Courbe,
directeur général de Primexis

À l’occasion de la 15ᵉ édition du Sommet des Leaders de la Finance, qui s’est tenue le 22 mai 2025 au Pavillon d’Armenonville à Paris, Sébastien Courbe, Directeur Général de Primexis, est revenu sur les mutations profondes qui redéfinissent aujourd’hui la fonction finance. Entre accélération de la digitalisation, pression réglementaire – avec en première ligne la directive CSRD – et évolution des outils EPM, les directions financières doivent faire preuve d’agilité et de vision. Dans un environnement toujours plus complexe, il partage sa lecture des enjeux actuels et des leviers pour transformer la fonction finance en acteur stratégique et durable.
Les directions financières évoluent dans un contexte de plus en plus tendu, entre incertitudes géopolitiques, complexité réglementaire et révolution digitale. Que constatez-vous sur le terrain, chez vos clients ?
Sébastien Courbe : C’est en effet une réalité que nous vivons quotidiennement chez Primexis. Nous accompagnons des directions financières confrontées à un rythme de transformation sans précédent. Le cadre réglementaire ne cesse de se densifier, sans pause ni simplification. Notre rôle est d’apporter une double réponse : une expertise technique solide et un soutien opérationnel agile, afin d’aider nos clients à faire face à ces changements.
« Les directions financières font face à une transformation rapide et complexe. Notre rôle est d’apporter à la fois expertise technique et agilité opérationnelle pour les accompagner efficacement. »

Sébastien Courbe
Directeur Général – Primexis
Quelle est concrètement votre approche pour accompagner ces transformations ?
S.C.: Primexis est un cabinet de conseil opérationnel et d’expertise comptable spécialisé, reconnu pour son savoir-faire auprès des directions financières, notamment celles de grandes entreprises du SBF 120 et du CAC 40. Nos 400 collaborateurs, majoritairement basés en Île-de-France, interviennent pour renforcer les équipes en place, notamment lorsqu’il y a des besoins urgents ou des postes vacants, mais aussi pour piloter des projets structurants : transformation réglementaire, évolution des outils ou réorganisation.
Notre accompagnement couvre l’ensemble des métiers de la direction financière : comptabilité, contrôle de gestion, consolidation, mais aussi les systèmes d’information et outils de gestion. Notre ADN d’experts-comptables nous permet de proposer une approche rigoureuse, ancrée dans la réalité opérationnelle de nos clients.
Vous évoquez des tensions sur les ressources humaines. Est-ce un phénomène généralisé ?
S.C.: C’est une réalité très marquée. Depuis quelques années, il est de plus en plus difficile de recruter dans les directions financières. À cela s’ajoutent des charges de travail importantes liées à des projets multiples : restructurations, acquisitions, transformations… Cela génère de la pression, de la surcharge et parfois du turnover. Les directions financières doivent répondre à toujours plus de demandes avec des moyens humains parfois insuffisants.
Je dirais que c’est un peu comme demander à une équipe de marquer plus de points avec moins de ressources. Notre rôle est non seulement d’apporter ces renforts indispensables, mais aussi de réfléchir avec la direction financière à l’organisation, aux processus et à la stratégie, pour atteindre les objectifs dans ce nouveau contexte.
Un sujet qui revient beaucoup ces derniers mois, c’est la CSRD. Où en sont les entreprises, et quel rôle joue la direction financière dans ce processus ?
S.C.: La directive CSRD marque un changement de paradigme. On passe d’une logique de communication RSE à un exercice de reporting de durabilité rigoureux, normé, structuré, et surtout auditable. C’est plus exigeant, mais aussi plus porteur de valeur.
Les entreprises concernées par la première vague publieront leur premier rapport dès 2025. Même si des ajustements sont en cours — comme la directive Omnibus, qui prévoit un allègement des obligations pour certaines PME avec un relèvement des seuils à 1 000 salariés et un report de deux ans — le mouvement est lancé. Il est impératif de s’y préparer dès maintenant. Cela demande du temps, des compétences spécifiques et des outils adaptés.
La bonne nouvelle, c’est que cette réglementation revalorise le rôle du DAF, désormais perçu comme capable de structurer les données, d’assurer leur fiabilité et de produire un reporting de qualité. Ce travail à quatre mains avec la direction RSE permet d’avoir une vision à long terme et de contribuer à rendre l’entreprise plus durable.
« La CSRD n’est pas une contrainte supplémentaire, c’est une occasion de donner de la cohérence à la performance globale de l’entreprise. »
Quels sont aujourd’hui les enjeux autour des outils EPM ?
S.C.: Nous sommes à un tournant majeur en matière d’outils EPM. Les deux grandes solutions qui dominaient le marché depuis près de 20 ans arrivent en fin de vie d’ici à 2030, et cela ouvre la voie à de nouveaux éditeurs. Aujourd’hui, plusieurs acteurs se positionnent, mais aucun ne fait encore l’unanimité. Pour les DAF, cela signifie qu’il faut évaluer avec lucidité les forces et limites des différentes plateformes, tout en gardant une forte exigence d’agilité.
Ce qui complexifie encore la donne, c’est que les outils EPM ne se limitent plus à la consolidation ou au pilotage de la performance. On leur demande désormais d’intégrer des modules de reporting extra-financier (CSRD), de fiscalité internationale (Pilier 2, GloBE), et d’être capables d’évoluer rapidement.
Le vrai enjeu, c’est donc l’anticipation. Ce sont des projets structurants, avec des déploiements qui peuvent s’étaler sur deux ou trois ans. Ne pas décider, c’est prendre le risque de se retrouver en retard.
Mon conseil est clair : il faut enclencher la réflexion sans attendre, car la transformation digitale de la direction financière passe en grande partie par ces outils.
Au-delà des aspects réglementaires, les tensions géopolitiques, les incertitudes douanières et les pressions inflationnistes complexifient encore davantage les prévisions économiques. Quel en est l’impact pour les directions financières ?
S.C.: Ces facteurs rendent les prévisions économiques particulièrement complexes. Dans ce contexte instable, les modèles traditionnels montrent leurs limites : difficile de bâtir des projections fiables à long terme. La planification figée à cinq ans laisse peu à peu place à une gestion plus agile, capable de s’adapter rapidement aux évolutions du contexte.
C’est pourquoi nous encourageons les directions financières à mettre en place des modèles de pilotage souples, ajustables en temps réel. Cela implique des systèmes d’information adaptés, des processus plus réactifs et des équipes formées à ces nouveaux enjeux.
Le rôle des DAF n’a jamais été aussi stratégique. Ils sont à la fois gardiens de la performance, architectes de la transformation et moteurs de durabilité. Chez Primexis, notre engagement est de leur fournir les ressources, les compétences et l’agilité nécessaires pour relever ces défis et projeter leur entreprise vers un avenir durable.